Il s’agit ici de réintroduire de la matière , de l’organique du réel dans un processus photographique devenu quasi exclusivement numérique et donc somme toute hyper abstrait. Je voulais aussi mettre une distance entre le sujet photographié et moi. Il y avait comme une envie de me rapprocher de la peinture ou du moins de la matière concrète qu’on utilise en peignant. J’ai donc utilisé pour chaque photo des matières de tout ordre – produits de beauté, produits ménagers, aliments…- que j’ai appliqué sur un filtre neutre. Et suivant le rendu que je voulais avoir j’ai modelé, réparti la matière sur le filtre à l’instar de ce que pourrait faire un peintre en étalant de la peinture à la main sur une toile ; la nature du matériau n’est pas gratuite, elle a un lien plus ou moins fort avec le sujet photographié ; le caramel et le beurre salée que mangeait Léa dont j’ai enduit l’objectif pour la photographier, le baume à lèvres de Rose. Mais cette matière peut être aussi le reflet d’une pensée, d’une position comme lorsque je mets un produit qui pollue ( produit vaisselle ) sur un paysage de nature. La déformation ne devient pas qu’esthétique mais est aussi le reflet d’un état du monde.