Le havre est une ville dont je ne suis pas sûr. De l’aimer ou de ne pas l’aimer. J’y ai habité petit et j’en ai un souvenir plutôt sombre. Sombre comme l’eau des bassins où j’ai appris à nager, sombre comme les chapelets de nuages noirs venant de Gonfreville et ses raffineries, sombre comme ces matins d’hiver où je prenais un funiculaire pour aller en classe. Et puis j’y suis retourné 40 ans plus tard pour un tournage et la ville m’est apparu ouverte, tranquille, aérée, belle parfois. J’y suis allé plusieurs fois seul pour la photographier et mon sentiment est depuis toujours le même, une oscillation permanente entre la lumière et la noirceur, la tranquillité des endroits et l’angoisse des souvenirs, la mer et le gris, la tristesse infini de ses cieux et leurs beauté, la beauté de son architecture et sa grande sévérité. J’oscille, je balance, j’hésite entre des sentiments contradictoires. Je pourrais y vivre tranquille comme je pourrais y devenir totalement neurasthénique. Celle ville me perd, j’y éprouve des sentiments confus. C’est ce qui me plait, c’est ce qui me dérange.