DIDIER BARCELO

BLACK CAMPAGNE

INSTA - FB

Je suis passé devant ces lieux des centaines de fois, je savais qu’un jour je les photographierai.  Je ne savais pas quand ni comment mais je savais. Et puis un matin je partis avec ma voiture de location blanche et break.  Il était tôt., très tôt, le soleil était à peine levé . Cette brume était tellement épaisse et tenace qu’on ne pouvait le distinguer. J’ai parcouru pendant des heures, des jours ces paysages plats d’où surgissaient des arbres , des bosquets qui n’avaient rien d’extraordinaire , des silos comme tant d’autres, des tas de betteraves pour les animaux comme on en voit partout mais qui ces matins-là, par cette faible lumière froide de novembre,  tous ces éléments réels et sans grand intérêt prenaient une dimension nouvelle, inquiétante par moment , poétique à d’autres. Le résultat était étrange  : ces lieux que je connaissais par cœur me devenaient étrangers ou plus exactement autres. Peut-être à cause du noir qui a  très vite pris le dessus, comme une évidence. Ce noir que j’ai poussé, cherché à toutes les étapes du processus photographique.  Il a envahi  mes photos mais de manière différente.  Certaines se refusaient et les parts de blanc et de gris étaient encore nombreuses. Pour d’autres il avait gagné  le moindre recoin du paysage , à tel point que la photo pourtant réaliste au départ n’était pas loin de basculer dans l’abstraction.  Sur une autre encore,  la lumière était tellement bizarre et illogique qu’on pouvait se demander si ce champ avec ce bout de métal de tracteur laissé là n’était pas plutôt un bout de planète inconnue. En regardant ces photos , on ne sait pas ou plus à quelle heure elles ont été prises. C’est ce que j’aime, cette perte de notion du temps, cette perte de conscience du moment. Cette perte qui n’en est pas une.